Grâce à des dizaines d’années d’entrainement, les gestes étaient devenus mécaniques. A vrai dire, en regardant ces hommes et ces femmes qui se préparaient dans les vestiaires, enfilant leur combinaison, vérifiant leur équipement, on pourrait presque penser que c’était un jour comme les autres, un simple entrainement programmé afin de tester la détermination et l’organisation du site. Enfin, si on faisait abstraction de la concentration extrême sur les visages, du silence tendu dans lequel ces soldats se muraient, de l’alarme signalant une brèche de confinement et des explosions qui faisaient vibrer les murs.
Le commandant de la FIM Delta-8, Kasaï, savait pertinemment que dans ce genre de situation, la confusion régnait en maitre. Il avait beau chercher, il ne pouvait blâmer aucun membre de la chaine d’information : chacun faisait ce qu’il pouvait dans une situation où le chaos menait la danse. Mais recevoir un ordre de mobilisation sans objectif ni cible, ça puait vraiment. Qu’est ce qui empêchait les dirigeants d’ouvrir leur gueule pendant 3 secondes de plus. Il ne demandait rien d’autre qu’un « Préparez-vous, vous allez arrêter l’Insurrection du Chaos » au lieu d’un simple et insultant « Tenez vos hommes prêts à intervenir ».
Parce que oui, Kasaï était au courant. Le chef du DSI pressé et paniqué, fonçant rejoindre ses hommes qui l’attendait, prêt à l’action avait au moins pris le temps de lui dire qui était les enfoirés qui osaient prendre d’assaut le site. Et parmi tous les opposants à la Fondation, il fallait que ce soit eux qui viennent foutre la merde ! L’insurrection du Chaos. Les pires fouteurs de merde là pour tout faire péter, sans autres objectifs apparent ! Ce que Kasaï ne comprenait pas, c’était pourquoi le directeur du site tenait tant à cacher cette information ? Pourquoi ne prévenir de la nature de l’ennemi que les équipes au front ?
Pour dire la vérité, ça faisait un moment que Kasaï ne faisait plus confiance à la Fondation. Depuis qu’il s’était rendu compte que les supérieurs effaçaient systématiquement l’existence de la moindre personne décédée. Il s’en était aperçu il y a quelques années, en retrouvant parmi ses affaires les plus planquées le journal d’un certain Franck. Un membre de la FIM. De SA FIM. Ce Franck avait servi sous ses ordres, avait été le parrain de son fils, avait sauvé la vie de ses compagnons à deux reprises. Aujourd’hui, ce Franck n’existait plus. Pour personne. Quel intérêt pour la Fondation d’effacer ainsi la vie ses plus loyaux serviteurs ? Vraisemblablement, Franck était mort dans une bête opération contre la Main du Serpent. Effacer des souvenirs traumatisants, ok. Mais pourquoi dissimuler jusqu’à son existence à l’ensemble du monde ? Pourquoi faire croire que cette FIM n’avait perdu aucun membre depuis sa création ?
Depuis ce jour, Kasaï ne faisait plus aveuglément confiance en la Fondation. Il avait pris contact avec le Milieu, cette structure dédiée aux services rendu par des agents du monde de l’anormal. Un vrai nid d’espions, de traitres venant de tous les GDI et de criminels en tous genres. Le genre de structure parfaite pour enquêter sur la Fondation et ses agissements en toute impunité. Il n’avait rien découvert de compromettant, mais commençait lentement à ferrer un ou deux gros poissons. Et plus il en apprenait, plus il se disait que la Fondation ne méritait pas la loyauté de ses membres.
L’ordre de mobilisation tomba enfin ! Bien que les détails n’étaient toujours pas au rendez-vous, l’objectif était néanmoins clair : il fallait reconfiner six-huit-deux qui avait brisé son confinement. Avait-il profité de la panique et de la confusion pour s’échapper ? Ou sa libération était-elle due aux actions de l’IC ? Dans l’immédiat, cela ne faisait aucune différence : il fallait reconfiner le reptile avant qu’il ne provoque une hécatombe. Kasaï écouta le debrief de l’opérateur radio. Cinq FIM allait être déployée, le but étant de retarder le SCP le temps que la nouvelle arme anti-six-huit-deux soit amenée et actionnée. Même si la mission comportait de nombreux risques, au moins la FIM n’était pas envoyée au casse-pipe juste pour gagner du temps au péril de sa vie. Au moins un plan de bataille avait été décidé, et les chances de survie n’étaient pas nulles. Mais il n’oubliait pas que la Fondation ne les voyait que comme des sacrifiables…
Cependant, peu importe à quel point la Fondation pouvait être puissante, peu importe comment elle voyait ses hommes, Kasaï était persuadé de pouvoir se tirer de n'importe quelle situation. La fatalité n'existe pas, et chaque Homme sur cette planète est responsable de son destin. Il existait toujours une suite de choix logique qui menait au bonheur, et Kasaï se savait suffisamment éclairé et lucide pour être capable de faire les bons choix au bon moment. Pour se sauver, lui et ses hommes. Après tout, c'est ce qui signifie "être humain". Être capable de lutter, même contre un destin qui semble inéluctable, et d'en ressortir victorieux.
Kasaï et ses hommes prirent la direction du couloir M4. Leur mission était simple : ralentir le gros lézard à l’aide des mines du couloir et des lances flammes qui leur avaient été fournis. Le but était de le faire tourner en rond en l’endommageant et en fermant les cloisons jusqu’à ce que l’arme puisse être déployée. Dans la théorie, c’était très simple. Maintenant, il fallait que la théorie colle avec la pratique. D’après son expérience, Kasaï s’attendait à des complications. Complications qui commençaient déjà. À cause du brouillage qu’employait l’IC, la communication se coupait régulièrement et pendant plusieurs minutes. Ces périodes de long silence étaient angoissantes, la FIM étant livrée à elle-même. Et comme Murphy fait toujours bien les choses, c’est à ce moment que le bruit d’une explosion proche se fît entendre et sentir.
Kasaï fît s’arrêter la FIM, ordonnant à deux de ses hommes d’aller inspecter l’origine de l’explosion et de revenir faire un rapport. Plusieurs minutes d’un silence lourd et tendu tombèrent, pendant lesquelles le chef tentait de se rassurer, tentait de faire taire ses peurs. Lorsque ses hommes revinrent, ses espoirs s’envolèrent.
- Chef Kasaï ! C’est la panique ! SCP-062-FR s’est échappé de son confinement ! Il se dirige droit sur le chemin que doit prendre l’équipe chargée de neutraliser six-huit-deux !
Dans l’esprit de Kasaï, le désespoir laissa place à une peur profonde, puis à une lassitude extrême. C’était à lui et à lui seul de prendre la décision, ne pouvant contacter l’agent de liaison. Il lui fallait maintenant faire un choix, et la survie du site allait peut-être en découler.
Finalement, Kasaï arrêta sa décision. Il ne pouvait se permettre de briser l’encerclement. Si six-huit-deux trouvait une brèche dans la formation, alors tous les efforts, tous les morts n’auraient servi à rien. Il se fît cependant la promesse solennelle de ne pas mettre la vie de ses hommes… De ses amis inutilement en danger. Tant qu’il n’aurait pas de certitude que l’arme serait en place, prête à faire feu, il refusait de sacrifier le moindre de ses compagnons. Nous ne sommes pas des sacrifiables, peu importe ce qu’en pensent les O5 !
La FIM repris son chemin et se positionna dans le couloir M4. Les autres FIMs devraient déjà être en place, tout était prêt pour recevoir comme il se doit l’invité du jour, les lance-flammes prêt à offrir l’accueil le plus chaleureux. Plusieurs dizaines de minutes passèrent, lorsqu’on entendit au loin des bruits d’explosion, de combustion, de tirs suivit de hurlement de douleur. Puis le silence. Kasaï sera ses mains sur son lance-flamme, ses paumes blanchissant sous la pression. D’aussi loin difficile de savoir ce qu’il s’était réellement passé, mais une chose était sûre : les mines et les lance-flammes n’avaient pas ralenti le monstre. Les respirations s’accélérèrent, la sueur se fit abondante. Plusieurs minutes passèrent sans qu’aucun membre de la FIM Delta-8 ne bouge. Puis une vision d’horreur apparu au bout du couloir…
Kasaï fut le dernier à entrer dans la pièce, fermant tant bien que mal la lourde porte derrière lui. Il se tourna vers les membres de son escouade. Sylvie était allongée sur le sol, couverte de sang, une entaille pas belle à voir sur son torse. Florian était assis par terre, le dos contre le mur, priant pour sa vie. Claire essayait tant bien que mal de bander la blessure d’un Peter aux portes de la mort, appelant sa famille. Seul O’Brian et Ed étaient encore en état de se battre, du moins physiquement. La mort de tous nos compagnons les avaient ébranlés. Même Kasaï ne semblait plus être en état de se battre. Le regard vide, une sale blessure à la jambe, il semblait perdu dans ses pensées, maudissant la Fondation. C’est alors qu’un grésillement se fît entendre, sortant de la radio.
- Agent Kasaï, vous me recevez ? Agent Kasaï ? Répondez !!
- Ici l’agent Kasaï. Terminé.
- Faites le point sur votre situation. Terminé.
- Nous avons engagé le contact avec six-huit-deux. Il a franchi le point M4 et se dirige vers le L3. SCP-062-FR à lui aussi brisé son confinement et…
- Nous sommes au courant. L’équipe Delta 4 à pu éviter le contact au prix d’un détour de plusieurs minutes. Ils seront bientôt sur place. Rejoignez l’équipe au point L2 et préparez-vous à arrêter l’avancée du SCP.
- Impossible, tous nos hommes sont blessés ou invalide. Nous ne pouvons pas retourner sur le front. Nous allons nous faire charcuter.
- Les équipes sur place ne sont pas suffisantes et nous ne pouvons envoyer personne d’autre…
- Allez-vous faire foutre ! Mes hommes ne sont pas des putains de sacrifice sur pattes ! Ils ont une famille, des amis. La vie est précieuse, bordel !
- … Je ne peux pas prendre cette décision pour vous. C’est vous qui êtes sur le terrain. Mais laisseriez-vous vos familles à la merci de ce monstre ? C’est un ordre des O5, retournez au point L2.
Dans l’esprit de Kasaï, tout se chevauchait, tout se mélangeait. Le sourire de sa femme, le visage de ses hommes couverts de sang, la vision de ce monstre dans la ville la plus proche, l’horreur du combat précédant, la vision d’un monde en ruine, la froideur de la Fondation…
- Aller vous faire foutre. On ne peut pas faire confiance à la Fondation. Je refuse de voir mes hommes mourir de manière aussi vaine. Si les O5 veulent réellement arrêter ce monstre, qu’ils prennent les armes et aillent au front.
Kasaï balança violemment la radio contre le mur, la détruisant et envoyant voler dans tous les sens des débris électroniques. Il s’assit, le dos contre le mur, regardant ses hommes d’un air triste. Dans leurs yeux se lisaient des sentiments contradictoires : la reconnaissance, la déception, la résignation. A cause de cet acte irréfléchi, la FIM était finie. Oh, bien sûr, ils pouvaient dénigrer leur chef devant les supérieurs et continuer à servir la Fondation. Mais c’était les derniers instants qu’ils passaient avec Kasaï. Dans le meilleur des cas, ce serait la prise d’amnésique. Et dans le pire des cas, l’exécution… Mais bon, que pouvait-il y avoir de pire ?
L’alarme qui se déclencha quelques minutes plus tard répondit à cette question. Ce n’était pas n’importe quelle alarme. C’était l’Alarme. Celle qui ne sonne qu’une fois. Celle que tout le monde redoute. Celle qui annonce la fin du monde en deux lettres. XK. Une larme coula sur la joue de Kasaï. Finalement il n’avait pas sauvé ses hommes…
Kasaï repensa à sa famille, qui vivait dans la ville à quelques kilomètres du site. Il repensa à sa fille qui venait juste d’avoir 5 ans, courant vers lui en souriant. Il repensa à sa femme, qui l’attendait chaque soir avec le sourire, debout derrière la porte, comme si elle savait le moment où il allait entrer. Une larme coula sur sa joue. Il ne voulait pas que sa famille ne soit victime du monde de l’anormal. Son regard croisa celui de ses hommes. Une farouche détermination brulait dans leur regard. Eux aussi avaient une famille à défendre, au péril de leur vie.
- Bien reçu ! Nous sommes trois à rejoindre le point L2. Je laisse mes hommes blessés ici, venez les récupérer dès que tout sera fini.
Un soupir de soulagement accueilli l’annonce à l’autre bout de la radio, trahissant le soulagement de l’opérateur radio et de tous les gens derrière. C’est comme si, pour une fois, la Fondation n’avait pas menti en disant qu’il ne restait qu’eux pour aider. Bon, ce n’est pas comme si trois hommes de plus allaient pouvoir changer la donne. Mais six-huit-deux allait goûter à la détermination d’un homme qui avait accepté sa propre mort, d'un homme prêt à se battre de tout son être avant d'être emporté dans la tombe.
Le soulagement fût palpable parmi les hommes de la delta 4. Beaucoup avait eu du mal à y croire, mais le tir de l’arme avait fait mouche ! Six-huit-deux s’effondra, totalement neutralisé pour les prochaines 6 heures. L’arrivée des renforts dans le dos de la créature avait permis de gagner suffisamment de temps pour permettre de charger le tir. Des hommes braves, dont le nom ne sera jamais oublié ! Le soulagement laissa place à des cris de joie libérateurs ! Certes, il restait un SCP en liberté, mais enfin !! Pour la première fois, le reptile avait été complétement neutralisé.
Les cris de joie se turent instantanément, avant d'être remplacés par des cris de panique et de terreur. La célébration aura été de courte durée, interrompue par le bruit d'une alarme. De l’Alarme. Celle qui annonçait un scénario de classe XK... Finalement, le confinement du SCP n'était plus vraiment la préoccupation majeure des employés de la Fondation.
Kasaï prit sa décision. A quoi bon ralentir six-huit-deux si ce SCP empêchait l’arme d’être utilisée ? Il fallait coûte que coûte parvenir à reconfiner ce SCP. Lorsqu’il annonça son choix à ses hommes, leurs réactions ne se firent pas attendre :
- Le reconfiner ? Et on peut savoir comment tu comptes t’y prendre ? Ce truc est une putain de machine à tuer qui s’adapte à son environnement !
- Ecoutez, l’objectif est d’assurer le confinement de six-huit-deux, objecta Kasaï. Si on ne peut pas reconfiner zéro-six-deux-FR, il va falloir l’occuper le temps de neutraliser le reptile. On connait ses méthodes de chasse.
Les soldats ne parurent pas convaincus, mais en écoutant le plan de Kasaï, ils furent prêts à essayer. Un plan pourtant très simple : tirer et courir. Mais qui pouvait se révéler efficace vu que les agents évoluaient en terrain connu. Nombre de piège et de porte close avaient été placé dans ce dédale de couloirs et de cellules. En utilisant le terrain avantageusement, ils pourraient réussir la mission sans essuyer aucune perte.
Ils firent donc demi-tour, délaissant la protection du couloir M4 pour progresser dans la direction de zéro-six-deux-FR. Il ne fut pas dur de le localiser, et encore moins d’attirer son attention sur eux plutôt que sur l’équipe de protection de l’arme encore au loin. Après tout, ce chasseur avait appris à tuer non plus pour se nourrir, mais pour le plaisir de massacrer de l’être humain. Bien que SCP, il ne valait pas plus qu’une pauvre bête sauvage. Et le genre humain sait depuis des années comment traiter avec une bête sauvage.
La session de chasse qui s’ensuivit ne dura que quelques minutes, mais les membres de Delta-8 eurent l’impression de s’y livrer depuis des heures. La créature n’était pas seulement rapide, elle s’adaptait très rapidement à l’environnement et aux techniques de chasse déployées. Elle ne marcha sur aucune mine, ayant compris le genre de piège qui lui étaient tendu, et son invisibilité rendait la traque particulièrement ardue. Il était impossible de dire qui était le chasseur et qui était la proie, les rôles s’inversant de manière régulière. Traquer cette créature sans perte humaine se faisait au prix d’une perte de terrain gigantesque, à tel point que l’équipe se trouvait maintenant dans les niveaux supérieurs des laboratoires, beaucoup trop proche de la surface et de la sortie.
Profitant d’une accalmie dans la chasse, l’équipe fît un point rapide. Le ton monta rapidement entre Jean et Kate :
- On n’arrivera pas à s’occuper de cette créature. On va finir par tous y passer !
- Qu’est-ce que tu baves Jean ? Cette créature n’a pas réussi ne serait-ce qu’à blesser l’un d’entre nous !
- Même si on n’a eu aucune perte, on est trop proche de la sortie. Les premiers bâtiments civils ne sont qu’à quelques centaines de mètre de la sortie du site. On ne va pas pouvoir continuer à reculer indéfiniment !
- Bah la solution est simple ! On verrouille la porte de sortie et on retourne dans les niveaux inférieurs ! Elle nous suivra !
- Tu crois réellement qu’elle va continuer de s’en prendre à nous alors que y’a tous ces civils non armés à l’extérieur ? Ouvre les yeux Kate ! Et puis impossible de prendre le risque de laisser cette créature sortir. On ne pourra jamais la reconfiner si elle met le nez dehors.
- Et tu proposes quoi Jean ? On lui demande gentiment de se suicider dans son coin ?
- Il faut qu’on déclenche l’explosion de la tête nucléaire !
- Mais t’es malade ! Ca tuera tous les civils à l’extérieur !
- C’est la seule solution !!!
L’esprit de Kasaï carburait à plein régime. Il examinait chaque solution, évacuant les irréalisables, effectuant un calcul coût / bénéfice. C’est dans ce genre de moment que les questions morales devenaient pesantes et cruelles. Faut-il sacrifier sa vie pour sauver celle de l’humanité ? La vie des milliers de gens innocents ? La vie des êtres qui nous sont chers ? La vie de la femme qui nous attend le soir, de la fille de 5 ans qui apprend fièrement à lire… Que devaient-ils faire ? La Fondation méritait-elle vraiment le sacrifice d’autant de vies innocentes ? Peut-on dire qu’on a protégé l’humanité s’il faut en sacrifier une partie ?
Kasaï leva la voix, pour faire tout le monde et trancher le débat :
- On ne peut pas déclencher l’explosion de la tête nucléaire. Non seulement les civils seront pris dans l’explosion, mais en plus on a aucune certitude que cela tuera six-huit-deux. Sans parler de nos autres pensionnaires. Il faut qu’on l’arrête à la main.
- Et tu proposes quoi ? demanda Jean, une colère sourde dans la voix. Toutes nos stratégies ont échouée !
- Il y en a une que l’on n’a pas testée… La stratégie kamikaze.
Les soldats en restèrent bouche bée, regardant leur chef comme s’il était devenu fou, ne sachant quoi dire. Kasaï en profita :
- Je vais prendre le maximum de grenades sur moi et provoquer une mêlée avec la créature. Quand elle sera sur moi, je me ferai sauter la tronche. La réaction en chaine devrait suffire à l’emporter. Vous, vous me couvrez pour que j'atteigne le SCP.
Devant les constations bruyante de ses hommes, Kasaï leva la voix :
- C’EST UN ORDRE ! La Fondation est au service de l’humanité, elle protège l’humanité. Si on accepte de sacrifier un millier de civils au nom de cette protection, qu’est ce qui nous empêche d’en sacrifier un million ? Et un milliard ? La protection du genre humain ne devrait pas se faire au détriment de gens innocents ! La Fondation n’est pas assez digne de confiance pour ça ! Si vous refusez de suivre les ordres, j’irai seul ! VOUS AI-JE DÉJÀ DONNÉ UNE RAISON DE DOUTER DE MOI ?!
Un silence stupéfait accueilli sa déclaration, puis il vit la résignation et l’acceptation se peindre sur le visage de ses hommes, les uns après les autres. Dans leurs regards, il lisait la fierté d’avoir été sous ses ordres, l’acceptation de sa décision et une tristesse infinie.
Kasaï s’équipa silencieusement, récupérant les grenades de ses hommes avant de les fixer sur son équipement. Personne n'osait briser le silence, personne n'osait ne serait-ce que faire le moindre bruit, de peur que la détermination qui habitait tout un chacun ne se brise. Lorsqu'enfin Kasaï fut prêt, il leva vers ses hommes un regard dans lequel se mélangeaient différentes lueurs : une ardente détermination, une peur résignée de la mort, une fierté sans nom d'avoir dirigé cette FIM et la tristesse de ne pas pouvoir dire adieu à sa famille... Sentant que s'ils ne partaient pas maintenant leur détermination s'envolerait, ils se dirigèrent silencieusement sur le chemin menant à la dernière bataille.
Kate regarda le couloir d’un regard vide et emplit de tristesse. Partout dans le couloir des traces de brulure dues à l’explosion, des viscères et restes de la créature et de leur chef. La dernière bataille avait été la plus ardue, mais le sacrifice d’une vie avait suffi à acheter la victoire. Lorsque la créature avait envoyé voler Kasaï, tout le monde sentit un soulagement contradictoire naître en eux : le plan avait échoué, ils étaient certainement tous condamnés, mais leur chef n'avait pas eu besoin de se sacrifier. Il était mortellement blessé et ne pouvait se relever, mais il vivait. Cependant, la créature avait été incapable de comprendre ce simple fait : un humain est capable de renier son instinct de survie pour protéger ses proches. Même mortellement blessé comme Kasaï l'était, il se releva néanmoins et se jeta sur la créature. Il finit tranché en deux avant d'avoir pu faire quoique ce soit, mais son buste, sur lequel était sangler la ceinture de grenades, atterrit aux pieds de la créature. En voyant cela, Kate saisit de son arme et tira sur l'une des grenade. Au moins le sacrifice de Kasaï n’avait pas été vain.
Au moment où elle formula cette pensée, Kate entendit le bruit d’une alarme. De l’Alarme. Celle qu’on espérait ne jamais entendre. Celle qui annonçait la fin du monde et du genre Humain. L'Alarme annonçant un XK. Si un dieu pouvait entendre cette prière, qu’Il aille bien se faire foutre !
Kasaï leva la voix, pour faire tout le monde et trancher le débat :
- On n’a pas le choix, il faut faire ce que dit Jean. On doit déclencher la tête nucléaire.
- Attends t’es pas sérieux là ?! s’indigna Kate. Tu comptes sacrifier tous ces civils ? Ta femme et ta fille ? Leur faire payer les erreurs de la Fond…
- Et toi tu voudrais leur faire connaitre l’horreur ?! Tu voudrais qu’ils connaissent la peur de se faire chasser par le prédateur ultime ? Tu peux imaginer le visage de ton fils en train de se chier dessus face à cette saloperie ?
Le visage de Kate devint dur, elle foudroya son chef du regard. Les mots de Kasaï avaient touché juste, mais elle avait du mal à l’accepter. Kasaï soupira et dit :
- Je te laisse le commandement de la moitié des hommes. Tenez la position et tentez d’abattre la créature. Je vais me diriger vers la tête nucléaire. Si vous parvenez à l’abattre avant que nous ayons fini, vous aurez sauvé tout le monde. Si vous entendez l’alarme nucléaire, dirigez-vous vers le bunker.
Kate apprécia le geste, et le remercia du regard. Elle savait pertinemment que c’était une mission suicide avec trop peu de chance de réussite. Mais cela lui permettait de contester la décision de son chef, de ne pas prendre part au massacre. Les soldats se dirent adieux pendant de longues minutes, puis Kate regarda le groupe de son chef repartir vers les niveaux inférieurs. Maintenant, c’était à eux de jouer ! C’était sur leurs épaules que se reposait la vie de tous les civils à la surface !
Quelques minutes plus tard, alors qu’elle et son groupe attendaient la créature de pied ferme, une alarme retenti… Mais contrairement à ce qu’attendait Kate, ce n’était pas l’alarme signalant l’enclenchement de la tête nucléaire… Putain, les dieux avaient décidément un sens de l’humour macabre. L’alarme qui venait de se déclencher… C’était l’Alarme signalant un scénario de classe XK. Les larmes montèrent aux yeux de Kate tandis qu’elle se dirigeait vers le bunker…